Entretien avec Muriel Salmona

Violences éducatives : de quoi parle-t-on ?

En juillet dernier, l’Assemblée nationale a adopté une loi interdisant le recours aux « violences éducatives ordinaires ». Mais de quoi s’agit-il ? Quels impacts ont-elles sur les enfants ?

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> Muriel Salmona

Psychiatre, psychotraumatologue, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie. Ses recherches se focalisent sur les conséquences psychotraumatiques des violences et notamment des violences sexuelles. Elle a publié Châtiments corporels et violences éducatives. Pourquoi il faut les interdire en 20 questions-réponses (Dunod, 2016).


Un rapport gouvernemental, publié en août 2019, définit les violences éducatives ordinaires comme « l’ensemble des pratiques coercitives et punitives utilisées, tolérées, voire recommandées dans une société, pour “éduquer” les enfants  1. » Le Parlement français a voté une loi qui inscrit au code civil le principe suivant : « L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. » Cette loi fait ainsi tomber l’historique « droit de correction » des parents qui, jusque-là, pouvait toujours être invoqué devant les tribunaux lorsqu’ils étaient accusés de maltraitances. Ce n’est désormais plus possible. Mais interdire ces violences permettra-t-il pour autant de les éradiquer ? La loi n’introduit pas de nouvelles sanctions pénales. Elle a surtout une visée pédagogique : informer les parents sur les conséquences néfastes des violences sur le développement de l’enfant et les accompagner vers une éducation sans châtiments ni humiliations.

Que recouvre le terme « violences éducatives ordinaires » ?

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C’est un ensemble de pratiques qui, sous couvert d’éducation, portent atteinte à l’intégrité physique et psychique de l’enfant, en lui faisant peur, en le privant ou en l’humiliant par exemple. Ces violences peuvent être de nature verbale, psychologique ou sexuelle : traiter sa fille de prostituée, ne plus parler à son enfant, le priver de nourriture ou faire des intrusions dans sa vie privée en lisant ses SMS par exemple. Puis il y a également tout le pan des violences physiques, qui peuvent aller de la tape ou fessée au tabassage et à la séquestration. Ce qui est en cause est l’intention de faire mal ou d’humilier. Une bonne partie de ces violences a longtemps été tolérée en France, et leur impact minimisé. C’était considéré comme un mal nécessaire pour éduquer les enfants, pour les rendre plus obéissants. Or, les études montrent que même les atteintes corporelles légères, s’il s’agit de pratiques récurrentes, peuvent être à l’origine de problèmes de santé mentale plus tard.